Location saisonnière en copropriété : Activité civile ou commerciale ?
Cette nouvelle vidéo aborde une nouveauté de l’immobilier de l’année 2024, un sujet qui est très prégnant : celui de la location saisonnière touristique.
Location saisonnière en copropriété : une question se pose
En effet, c’est souvent une problématique que l’on rencontre dans de nombreuses activités. On la voit dans la transaction (puisqu’un transactionnaire a plutôt tendance à orienter son client et c’est intéressant de dire à son client qu’il peut faire de la location saisonnière dans telle copropriété). Un gestionnaire va plutôt être embêté par la location saisonnière (avec un locataire qui crée une sous-location et un syndic de copropriété qui va être embêté dans une autre mesure, parce que bien souvent, la location saisonnière génère des nuisances). La question qui s’est posée dans le cadre d’une jurisprudence en début d’année 2024, a été de savoir si la location saisonnière touristique, c’est-à-dire la nuitée sur Airbnb ou sur Booking (ou toute autre plateforme), est une activité commerciale ou civile ? Parce que si on regarde bien les choses, la location saisonnière concerne la location de courte durée, voire de très courte durée. Ce qui relève du qualificatif de LMP/LMNP, ce sont des problématiques fiscales, ce qui n’a absolument rien à voir avec la notion de location saisonnière à proprement dit. La location saisonnière regroupe absolument toutes les locations à partir du moment où elle ne dépasse pas 90 jours consécutifs. C’est ce qui relève de la loi Hoguet. Alors la question qui se posait dans le cadre de cette jurisprudence, c’est de savoir si la location saisonnière est une activité commerciale ou une activité civile. Et cette vidéo est intéressante en ce qu’elle apporte un raisonnement global sur l’autorisation ou non de la location saisonnière dans une copropriété. Notamment à l’aune désormais de la qualification qui lui est donnée par la jurisprudence.
La notion de destination de l’immeuble
En effet, quand on met en location son bien immobilier, il y a plusieurs types de locations applicables, on peut choisir : la location à usage d’habitation (bail de 89, c’est la loi Mermaz), soit en meublé soit en nu, le bail mobilité qui est issu de la loi Élan (bail un peu spécial qui est en meublé lui aussi), le bail étudiant, la location saisonnière.
Et donc, dans ce très intéressant arrêt du 25 janvier 2024 (un arrêt non publié), la 3e chambre civile de la Cour de cassation confirme la tendance récente de sa jurisprudence quant à la qualification de l’activité de location saisonnière touristique. La seule question qui était posée dans cette jurisprudence, dans cette décision de justice (puisque quand on va devant la Cour de cassation, on pose une question à la Cour de cassation et celle-ci répond uniquement à cette question) c’est : la location saisonnière de tourisme est-elle civile ou est-elle commerciale ? Donc la détermination de la nature de l’activité de location saisonnière, civile ou commerciale, est primordiale en droit de la copropriété. Parce qu’une copropriété c’est un ensemble immobilier collectif organisé au travers d’un règlement de copropriété qui est un contrat pluripartite et dans lequel on retrouve une notion qui est très importante mais qui ne se voit pas forcément beaucoup : la notion de destination de l’immeuble. Attention, on ne parle pas de destination des lots, on parle de la destination de l’immeuble, ce qui est vraiment très important.
On voit toujours cela dans un règlement de copropriété. Je donne un exemple : cette copropriété est à destination d’habitation résidentielle. Sont donc interdites les activités commerciales et professionnelles. On retrouve aussi, de temps à autre, une destination qui a une qualification qui prête à sourire parce qu’elle est ancienne, c’est-à-dire la destination d’habitation exclusive ou d’habitation bourgeoise, exclusive ou simple. Ce qui n’est pas la même chose, exclusive ou simple.
Donc si l’activité de location saisonnière est commerciale, elle peut être interdite dans les immeubles dont la destination est à usage d’habitation exclusive ou même simplement bourgeoise. Si elle est, en revanche, de nature civile, alors la destination exclusivement bourgeoise de l’immeuble ne suffira pas à interdire l’activité de location saisonnière.
Exception : Sans l’appui de clauses restreignant, conformément à cette destination, les conditions de jouissance des parties privatives.
Clauses d’habitation résidentielle ou bourgeoise
C’est-à-dire que, si on résume bien les choses, puisque c’est un des paragraphes explicatifs de cette jurisprudence, si on considère que l’activité de location saisonnière est commerciale, des clauses d’habitation résidentielle ou bourgeoise, exclusive ou simple, peuvent, sans trop de difficulté, l’interdire. Si on considère qu’elle est de nature civile, il sera assez difficile d’interdire l’activité de location saisonnière. En effet, le seul moyen serait qu’une clause du règlement de copropriété vienne strictement préciser que la copropriété est résidentielle avec une clause d’habitation bourgeoise exclusive. Qu’est-ce que ça signifie « clause d’habitation bourgeoise exclusive » ? Ça signifie qu’en réalité, le seul moyen d’occuper l’immeuble c’est de l’occuper à titre de résidence principale en tant que propriétaire ou locataire, ou alors en tant que résidence secondaire. Mais certainement pas d’en faire une activité de location saisonnière. Cette jurisprudence va donc venir chambouler les assemblées générales des copropriétaires. Mais aussi le raisonnement qu’auront les syndics dans l’approche donnée à la location saisonnière. En effet, aujourd’hui, dans bon nombre de copropriétés, la destination de l’immeuble n’est pas bourgeoise. Elle n’est pas forcément d’ailleurs résidentielle, exclusivement résidentielle. Et les règlements de copropriété sont souvent rédigés de telle sorte que c’est une copropriété à usage d’habitation, dans laquelle sont par exemple interdites les activités professionnelles. Une activité professionnelle, c’est l’activité d’un avocat, d’un architecte, d’un médecin, par exemple, mais ce n’est pas forcément une activité de nature civile telle que la location saisonnière. La location saisonnière n’est pas considérée comme étant professionnelle. Et donc dans ces conditions-là, on trouve une voie énorme, une véritable autoroute, vers la libéralisation de l’activité de location saisonnière. Ce qui obligera bien évidemment les copropriétés et les assemblées générales à venir modifier la destination de leurs immeubles lorsqu’ils souhaitent interdire l’activité de location saisonnière de tourisme, qui est désormais considérée comme étant une activité civile.
Jurisprudence du 25 janvier 2024
Jurisprudence de la Cour de cassation du 25 janvier 2024, pourvoi n°22-21.455 :
Un copropriétaire entendait par voie de justice faire cesser une activité de location touristique dans un lot de l’immeuble, en raison d’une clause du règlement de copropriété prohibant l’exercice d’une activité commerciale ailleurs que dans les lots de rez-de-chaussée. Ce qui doit d’ailleurs vous interpeller, puisque si on est dans l’interdiction d’activité commerciale en dehors d’un lot de rez-de-chaussée, on est vraisemblablement dans une copropriété à destination bourgeoise simple puisque sont autorisées ces activités commerciales au rez-de-chaussée mais interdites dans les étages.
La Cour d’appel, saisie du litige, avait alors considéré que malgré la clause, l’activité n’était pas interdite car elle ne pouvait être qualifiée de commerciale, faute pour le demandeur de démontrer que le bailleur fournissait à ses locataires de passage 3 des 4 services retenus par l’article 261D du Code général des impôts pour permettre la qualification para-hôtelière et par conséquent commerciale.
>> Donc on nous redonne une information. Pour que ce soit considéré comme étant commercial, il faut fournir aux locataires de passage 3 des 4 services retenus par l’article du Code général des impôts.
Le pourvoi en cassation était ainsi fondé sur la violation de l’article 1134 du Code civil. Du fait de la violation du règlement de copropriété et de la fausse interprétation de l’article 261D du Code général des impôts sur ce pourvoi, la Cour de cassation confirma la solution de la Cour d’appel, qui avait pu exactement déduire des faits qu’elle avait souverainement relevés que l’activité n’était pas de nature commerciale. Avec l’attendu décisoire, ayant souverainement relevé que l’activité exercée par la société MSC dans l’immeuble n’était accompagnée d’aucune prestation de service accessoire ou seulement de prestation mineure ne relevant pas le caractère d’un service para-hôtelier, la Cour d’appel en a exactement déduit que cette activité n’était pas de nature commerciale.
La jurisprudence répond-elle à la question posée ?
Comment comprendre l’arrêt de 2024 ?
Alors si on continue dans l’étude de l’arrêt de 2024, il est important de retracer jusqu’à l’arrêt de la Cour d’appel. Parce qu’en effet, à la Cour d’appel, la question se pose : est-ce que cette copropriété était à destination bourgeoise ? L’article 19 du règlement de copropriété de cette copropriété dont il est question nous dit :
Article 19 Location – précise que les copropriétaires peuvent louer leur appartement quand bon leur semblera, à la condition que les locataires soient de bonne vie et de bonnes mœurs.
De bonne vie et de bonnes mœurs, pourquoi ? Parce qu’à l’origine, la clause d’habitation bourgeoise était là pour empêcher la prostitution dans les immeubles collectifs.
Il stipule que la transformation des appartements en chambres meublées pour être louées à des personnes différentes est interdite mais que les locations en meublé par appartement entier sont autorisées. Il résulte de ces éléments que la clause d’habitation bourgeoise n’est pas exclusive.
Conclusion
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