Tracfin en immobilier : quelle procédure appliquer ?

 

Depuis la loi du 2 juillet 1988, les professionnels de l’immobilier sont soumis à l’obligation de vigilance et de déclaration de soupçons à Tracfin. En effet, dès qu’ils ont des soupçons de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme, ceux-ci doivent en faire part à l’organisme Tracfin. Bien que les agents immobiliers savent qu’ils ont un rôle à jouer dans cette lutte, ils ignorent cepedant qu’il s’agit en réalité d’une obligation et d’un devoir, qui peut entrainer des sanctions en cas de non-respect. Que faut-il savoir sur la procédure Tracfin ? Quelle procédure mettre en place pour répondre aux obligations ? Réponses dans cet article !

Tracfin en immobilier

9 décembre 2021 | Immobilier

Tracfin, qu’est-ce que c’est ? 

Définition

L’organisme Tracfin, ou Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins, a pour mission de lutter contre le financement du terrorisme, le blanchiment d’argent et la fraude. L’organisme recueille et analyse les données transmises par les professionnels tenus par la loi de lui faire des déclarations. Il les enrichit pour déterminer si ces soupçons sont fondés. Il est placé sous l’autorité des Ministère de l’Économie.

Tracfin n’est habilité à traiter que les informations transmises par les professionnels concernés par l’obligation de déclaration. De ce fait, il n’est pas en mesure de traiter les informations que pourrait lui transmettre des particuliers. 

A quoi ça sert Tracfin en Immobilier ? 

Tracfin a pour objectif de prévenir les transactions qui peuvent être liées au blanchissement d’argent ou à toute opération illégale. Le secteur de l’immobilier est de ce fait particulièrement touché par ces phénomènes. C’est pourquoi les agents immobiliers sont soumis à une obligation de déclaration à Tracfin, dès que ceux-ci ont des soupçons sur une transaction. 

Ils peuvent poser des questions à leurs clients et leur demander des documents spécifiques, leur permettant de connaitre davantage les individus auxquels ils font face ainsi que leurs motivations. 

C’est en fonction des réponses qui leur seront données qu’ils pourront décider si le dossier, l’opération ou le client nécessite une vigilance accrue ou non. 

Quelles obligations concernant la procédure Tracfin en Immobilier ? 

Les agents immobiliers font partie des professionnels soumis à l’obligation de déclaration à Tracfin en cas de soupçons sur une transaction ou un client. De ce fait, ils doivent mettre en place des procédures spécifiques pour respecter les lois. 

La première obligation qui leur est échue concerne la formation et l’information de leur agents commerciaux et salariés. En effet, ils sont tenus de les informer régulièrement des procédures mises en place et des éléments auxquels ils doivent prêter attention. Il est nécessaire que leurs connaissances soient mises à jour régulièrement concernant les risques de ces opérations. Une formation en e-learning sur ce thème, qui rentre dans le cadre de l’obligation de formation de la loi Alur est tout à fait possible pour former vos salariés. 

De plus, votre agence doit disposer d’un dispositif d’évaluation et de gestion des risques. C’est ce que l’on appelle une cartographie des risques. Elle doit être liée à une politique spécifique adaptée en fonction du risque auquel est exposé la transaction. Ce dispositif est imposé par le Code Monétaire et Financier. Vos salariés doivent le connaitre et l’utiliser pour leurs dossiers, afin de ne pas passer à côté d’éléments suspects. 

Ainsi, ce dispositif permettra d’édifier une classification des risques, qui tiendra compte de différents facteurs (les produits concernés, les clients, les facteurs géographiques…). Il est propre à l’agence, puisqu’il se réalise en fonction de la clientèle qu’elle reçoit. Ce processus diffère des fiches clients que l’agence met en parce pour identifier ses prospects. A tout moment celle-ci doit être en mesure de présenter la cartographie des risques qu’elle a mis en place.

Qui est concerné par le processus Tracfin ? 

Le Code Monétaire et Financier a établi une liste de professions qui sont concernés par cette obligation de déclaration. Elle concerne tous les métiers qui peuvent toucher de prêt ou de loin au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme ou encore qui avoir accès à des opérations frauduleuses. En d’autres termes, c’est principalement les professions exerçant dans le domaine des échanges financiers. On peut citer par exemple, les avocats, les métiers du secteur bancaire, les experts comptables et, bien sûr, les agents immobiliers. En effet, ce secteur est très touché par ces phénomènes. 

Ces métiers doivent donc respecter des obligations légales, voulues par le Code Monétaire et Financier, pour lutter contre ces pratiques illicites. Ce ne sont en aucun cas des recommandations, mais bien des obligations. Pour un agent immobilier, faire des déclarations en cas de soupçons est un devoir, qui l’oblige à demander des documents spécifiques pour remplir ses obligations. 

Si le domaine de la transaction locative a été pendant un temps exclue des obligations Tracfin, ce n’est désormais plus le cas. En effet, depuis le 3 décembre 2016, tous les agents immobiliers possédant la carte Transaction sur les immeubles et fonds de commerce doivent répondre aux obligations Tracfin. Pour ce qui est de la gestion locative, aucune obligation n’a pour l’instant encore été publiée. Ce domaine reste pour l’instant exclu des obligations de déclaration à l’organisme Tracfin. 

Obligations Tracfin

L’obligation de vigilance

La cartographie des risques mise en place par les agences immobilières vous permet d’établir les profils des clients avec qui vous allez traiter. Ainsi, vous pourrez définir le profil des clients à risques et de repérer des catégories d’opérations qui peuvent apparaitre comme suspectes. Pour identifier ces acteurs, il est nécessaire de prendre en considération 4 éléments :

  • La nature de l’activité dans laquelle vous exercez. Cela comprend la taille de l’agence, la nature des services que celle-ci propose ou encore les canaux de distribution et de communication qu’elle utilise. 
  • Le profil de votre clientèle. Elle se compose en général de deux types de clients : les personnes physiques et les personnes morales. Dans le cas d’une personne physique, il est essentiel d’obtenir des informations relatives à l’âge, au lieu de résidence, au degré d’exposition politique ou encore au niveau de revenus et de patrimoine. Dans le cas d’une personne morale, il faut prêter attention au pays dans lequel l’entreprise est installée, sa nature juridique et sa date de création.
  • Les opérations douteuses qui peuvent attirer votre attention 
  • L’origine des fonds qui vont servir à réaliser la transaction. Ils peuvent prendre la forme de paiements comptants ou de crédits bancaires. Il faut également faire attention à la provenance géographique de ces fonds.

Ces paramètres vont vous permettre d’établir une échelle de risques, obtenus grâce à la cartographie, qui sera associé à un niveau de vigilance. Il existe 3 niveaux :

  • La vigilance normale : elle touche l’entrée en affaires avec vos clients ainsi que le suivi des opérations. L’objectif est de vérifier la cohérence des transactions qui vont être réalisées. 
  • La vigilance allégée : elle est utilisée quand le risque de transactions douteuses est faible ou quand une personne est exemptée d’obligation de vigilance normale. 
  • La vigilance renforcée : ici, le risque de transactions douteuses est considéré comme important. Il faut renforcer sa vigilance.

Les moyens à mettre en oeuvre 

Identifier ses clients

Avant de commencer toute relation d’affaires, le professionnel de l’immobilier doit vérifier l’identité de son client, ou du moins l’identité du bénéficiaire de l’opération. Il est donc dans l’obligation de lui demander tous les documents écrits et officiels nécessaires. Cette obligation doit se poursuivre durant tout le long de la relation d’affaires. Les documents demandés varient en fonction de la qualité du client. Ainsi, pour une personne physique, il faudra obtenir :

  • La copie d’une pièce d’identité en cours de validité. Elle doit comporter une photo ainsi qu’une signature
  • Un justificatif de domicile récent 
  • Les informations concernant la profession du client 
  • Les informations concernant les revenus et le patrimoine de celui-ci. Un avis d’imposition est le document idéal.

Dans le cas d’une personne morale, il vous faudra obtenir :

  • Un extrait de K-BIS de moins de 3 mois 
  • Les statuts de l’entreprise à jour
  • Les comptes certifiés du dernier exercice clos de l’entreprise 
  • Une liste récente des actionnaires de l’entreprise et/ou des personnes physiques détenant plus de 25% des actions ou parts de la société, ainsi qu’une copie de leur pièce d’identité
  • Un justificatif de domicile récent des personnes physiques détenant plus de 25% des parts/actions de l’entreprise. 

Les justificatifs d’identité considérés comme trop anciens ou qui peuvent être trop facilement falsifiables, comme le permis de conduire, peuvent être refusé. 

Quelles situations peuvent éveiller vos soupçons ?

Si une opération que vous réalisez vous semble douteuse, vous avez pour obligation d’en faire part à Tracfin, peu importe son statut (en cours ou terminée). 

Il est cependant difficile de définir ce qu’est une opération douteuse. Il n’existe pas de définition type. En effet, il s’agit davantage une successions de faits et d’indices qui peuvent vous mettre sur la voie. Cependant, pour aider les professionnels à déclarer ces opérations, le ministère de l’Économie a établi en novembre 2018 une liste d’indices et de situations qui peuvent vous permettre d’identifier ces opérations douteuses. On peut par exemple noter :

  • Les biens dont le prix de vente vous parait plutôt bas en comparaison à d’autres biens semblable sur le marché 
  • L’existence d’un décalage notable entre la valeur d’un bien immobilier qu’un client souhaite vendre avec le profil financier de cet acheteur. Par exemple, une personne au RSA souhaitant acheter une villa dans un quartier huppé à Paris.
  • Un comportement suspect ou inhabituel venant d’un client. Comme comportement suspect on peut citer la revente fréquente de sa résidence principale.
  • La personne physique ou morale qui est la bénéficiaire de l’opération se trouve dans un pays inscrit au GAFI, ou dans un pays considéré comme étant une zone de guerre. 
  • Si le client se désiste rapidement et sans donner de raison suite à la signature de l’avant-contrat. De ce fait, il doit payer le montant d’une clause pénale à l’acquéreur, engendrant un transfert de fonds plutôt suspicieux.

Dans ces situations, il est légitime de se poser des questions quant à une possible situation de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme. L’agent immobilier faisant face à ces situations est dans l’obligation d’agir et de faire une déclaration à Tracfin, quand bien même il ne s’agirait que de suspicions. 

Il n’est pas nécessaire d’apporter des preuves pour réaliser une déclaration à Tracfin. 

Tracfin en immobilier

Quels outils utiliser pour vérifier ses soupçons ?

Certains outils peuvent vous permettre de confirmer ou d’infirmer vos soupçons. Cette liste d’outils est non-exhaustive. 

On peut tout d’abord citer le GAFI. C’est une plateforme qui permet d’identifier les juridictions possédant des vulnérabilités et qui peuvent créer un risque concernant le système financier international. Elle met en place une liste noire, composée de pays non coopératifs à haut risque, ainsi qu’une liste grise, constituées de pays sous surveillance. 

Le Registre National des Gels peut également être utilisé. Il regroupe toutes les personnes qui ont déjà détourné de l’argent dans son pays. Enfin, le site Internet de Tracfin est aussi une source d’informations. En effet, des appels à vigilance peuvent parfois être lancés. Il est donc essentiel de le consulter régulièrement. 

Qu’en est-il de la procédure de vigilance renforcée ? 

Dès lors que vous identifiez un client, un dossier ou une transaction comme ayant un risque élevé de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme, vous devez mettre en place des procédures de vigilance renforcée. Elles peuvent être mises en place dans le cadre d’opérations particulièrement complexes ou de transactions dont les montants sont très élevés et dont la justification ne semble pas claire. Elle peut également être mise en place si les personnes concernées par cette transaction sont considérées comme étant des personnes politiquement exposées ou encore si les produits financiers ou les opérations concernées favorisent l’anonymat de la personne bénéficiaire. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive : de nombreuses situations peuvent être jugées comme étant à risques, sans pour autant entrer dans ces catégories. 

Lorsque le professionnel de l’immobilier fait face à cet type de situation, il doit prendre les mesures qui en incombent. Dans un premier temps, il doit chercher à obtenir les renseignements nécessaires sur la transaction qui va avoir lieu. Il doit de ce fait, connaitre l’origine et la destination de fonds qui vont être utilisés ainsi que l’objet de l’opération et l’identité de son bénéficiaire. Suite à l’examen de ces différents éléments, si le professionnel de l’immobilier a encore des doutes vis-à-vis de ses clients, ou s’il n’a pas pu obtenir les documents nécessaires, il doit remplir une déclaration de soupçons à Tracfin. 

La déclaration Tracfin en immobilier

En cas de doute persistant, le professionnel de l’immobilier doit réaliser une déclaration de soupçons à Tracfin. Dans l’idéal, cette déclaration doit être faite avant que l’opération n’est eu lieu. L’organisme peut bloquer complètement l’opération

Si plusieurs professionnels sont soumis à l’obligation de déclarer leurs soupçons à Tracfin, cela n’empêche pas les autres professionnels de faire une autre déclaration. Sur un même dossier, il est possible qu’un agent immobilier, un banquier et un avocat fassent une déclaration de soupçons. Cela n’entraine pas de sanctions. Il n’existe également aucune sanction si les soupçons que vous avez portés n’aboutissent pas ou se révèle infondés. En effet, l’organisme Tracfin souhaite inciter les professionnels à réaliser des déclarations. 

Lorsque vous déclarez vos soupçons, Tracfin doit garantir votre anonymat. L’agent immobilier, quant à lui, ne doit en aucun cas avertir les parties du dossier qu’ils font l’objet d’une déclaration de soupçons auprès de Tracfin. Vous ne devez pas non plus communiquer les suites que prendra la procédure. Vous ferez l’objet de sanctions pénales si ces obligations ne sont pas respectées.

Dès que votre déclaration de soupçons est envoyée à Tracfin, vous recevrez un accusé de réception. Suite à cela, l’organisme peut demander des informations complémentaires au déclarant. Sinon, il envoie une notification d’opposition : il s’agit d’une demande de report de l’opération de 10 jours. Elle se lance dès que la notification est reçue. La encore, vous ne devez pas indiquer aux parties du dossier pourquoi il a été décidé de reporter l’opération. Si, suite à la notification d’opposition, vous ne recevez aucune nouvelles dans les 10 jours qui suivent, l’opération peut suivre son cours. Si ne nouveaux éléments sont à ajouter au dossier, vous pourrez réaliser une déclaration complémentaire. 

Tracfin ne dispose pas de délai obligatoire pour notifier une opposition à une transaction. C’est pourquoi il est conseillé de faire une déclaration de soupçons le plus tôt possible. 

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Les sanctions en cas de non-respect de ces dispositions 

Si un professionnel de l’immobilier ne déclare pas ses soupçons à l’organisme Tracfin, celui-ci peut être condamné par la justice. Depuis 2014, les sanctions prévues à cet effet ont été renforcées par la Commission Nationale des Sanctions (CNS). 

Si vous ne déclarez pas vos soupçons à Tracfin, vous risquez d’être considéré comme étant un complice ou un acteur involontaire d’un opération douteuse. Des sanctions administratives et/ou disciplinaires sont également à l’ordre du jour. Cela peut se traduire par un avertissement ou un blâme, allant même jusqu’au retrait de la carte professionnelle de l’agent en question. Il existe également des sanctions pénales, qui prennent la forme d’amendes. Vous pouvez être soumis à une obligation de publication dans la presse locale de vos manquements.

Dans ce cas, le professionnel de l’immobilier devra se défendre en apportant la preuve et/ou les documents qu’il a collecté afin de prouver qu’il a prit toutes les précautions nécessaires concernant la vérification de la transparence de la transaction. 

C’est la DGCCRF qui est chargée de vérifier que ces obligations sont bien respectées.

Sources :

– Code Monétaire et Financier : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGITEXT000006072026/

– Articles L 561-1 et suivants du Code monétaire et financier : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072026/LEGISCTA000006154830/

– Décision du 25 juillet 2018 : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2018/2018765DC.htm

– CE 31 mars 2004 n° 256355 : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000008195620/

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